Le Singe Embaumé – Autopsie clinique d’un NFT mort-vivant
- Fabrice LAUDRIN
- 9 mai
- 13 min de lecture

L’épiphanie du cadavre
C’est un singe. Il porte une casquette. Il fume parfois un cigare. Il grimace, il cligne de l’œil, il semble s’ennuyer. Et pourtant, ce dessin sans grande virtuosité, décliné à travers 10 000 variations générées par algorithme, a été l’un des objets numériques les plus chers jamais vendus dans l’histoire récente de l’art et de la cryptofinance.
Le Bored Ape Yacht Club, souvent abrégé en BAYC, est lancé le 23 avril 2021 par le studio Yuga Labs, une entreprise fondée par quatre anonymes utilisant les pseudonymes Gargamel, Gordon Goner, Emperor Tomato Ketchup et No Sass — autant de masques dignes d’un carnaval spéculatif. Le principe est simple : chaque “singe” est un NFT (non-fungible token) unique, inscrit sur la blockchain Ethereum, possédant des traits distinctifs générés aléatoirement (accessoires, arrière-plans, vêtements, expressions faciales…). Le tout est vendu comme une preuve de propriété numérique immuable, accompagnée de droits d’usage commerciaux, mais sans aucune matérialité.
Dès l’été 2021, les Bored Apes explosent en popularité, surfant sur la vague des NFT déclenchée par la vente historique du collage Everydays : The First 5000 Days de Beeple (69,3 millions de dollars, Christie’s, mars 2021). Rapidement, les singes deviennent des avatars de luxe pour célébrités en mal de distinction numérique : Eminem, Madonna, Neymar Jr, Paris Hilton, Justin Bieber — tous achètent leur singe, l’exhibent, l’affichent comme un badge identitaire dans l’espace virtuel. Le Bored Ape #8817 atteint ainsi 3,4 millions de dollars lors d’une vente chez Sotheby’s le 26 octobre 2021.
Mais derrière le succès commercial, une question clinique plus sourde émerge : que vend-on, exactement, quand on vend un singe ? Pas une œuvre, puisqu’elle est reproductible à l’identique par simple capture d’écran. Pas un objet, puisqu’il n’est pas tangible. Pas une idée, car la série ne dit rien, ne cherche rien, ne porte aucun propos artistique structuré. Ce que l’on vend, c’est une preuve de rareté algorithmique adossée à une image visuellement fade, mais stratégiquement socialisée.
Le Bored Ape devient alors le symptôme d’un art thanatopraxique : une figure sans vie, sans péril, sans altération possible, maintenue dans un état d’éternité mimétique. Chaque NFT est une image morte, embaumée dans la blockchain, exhibée comme trophée statutaire, jamais risquée, jamais perdue. C’est là que réside le cœur clinique du phénomène.
Thanatopraxie et fétichisation du vide
Le Bored Ape ne vit pas : il persiste.
Il ne respire pas : il circule. Pas comme œuvre — mais comme actif. Non pas comme énigme — mais comme preuve. Il est l’emblème le plus abouti d’une tendance où l’image n’est plus désirée pour elle-même, mais pour l’inscription de sa rareté dans un système fermé, garanti par la blockchain.
Ce que les créateurs de BAYC ont parfaitement compris — et cyniquement assumé — c’est que l’époque ne veut plus risquer la perte. Elle ne veut plus souffrir la disparition d’une œuvre, ni la dépense du regard. Elle veut l’inaltérable. L’éternel. Le prouvable. L’échangeable.
Nous sommes entrés dans l’ère de l’art thanatopraxique : une ère où l’on emboîte l’image dans du code comme on embaume un corps. Non pour lui donner un sens, mais pour lui ôter toute mortalité symbolique.
La thanatopraxie, au sens premier, est une pratique de conservation post-mortem. Elle n’a rien à voir avec la vie : elle empêche la putréfaction, elle fige les traits. Elle produit des corps présents mais absents, vus mais inaccessibles. Exactement comme le NFT.
La psychanalyse classique — de Freud à Kristeva — nous a enseigné que le travail de deuil repose sur la capacité à perdre l’objet, à en désinvestir l’image, à traverser l’absence pour produire du sens. Le NFT propose l’inverse :
“Vous ne perdrez jamais. L’objet sera toujours là, certifié, visible, possédé.”
C’est le fantasme d’un monde sans perte, où le désir est remplacé par la propriété, où la jouissance est remplacée par la preuve.
Fétichisation du vide : Ce qui est réellement fétichisé dans le NFT, ce n’est pas l’image, mais la signature cryptée de sa rareté. Le fétiche ici ne protège plus de la castration : il nie qu’elle ait jamais eu lieu. C’est la version post-moderne du fétiche colonial : non plus la jambe en bois, mais le jeton numérique qui dit :
“Cette chose m’appartient — même si elle ne vaut rien.”
Jean Baudrillard, dans Le Système des objets (1968), anticipait déjà cette logique :
“L’objet fétiche n’a pas à signifier. Il a seulement à fonctionner comme signe dans un système d’échange.”
Le Bored Ape n’est pas là pour provoquer, déranger, ouvrir un seuil. Il est là pour attester d’une inclusion dans un système : celui du yacht club imaginaire, des early adopters, des millionnaires de la blockchain.
Mais ce que l’on conserve, à force de préserver le corps de l’œuvre —c’est un cadavre sec, sans regard, sans perte, sans cri.
Le Singe comme symptôme ultime
Il cligne de l’œil. Il fait un doigt d’honneur. Il a l’air blasé, amaigri par le taux de son régime de bananes actuel. Son œil fuit. Il semble être là sans y être.
Le Bored Ape en Hommage 666999 n’est pas seulement une image de singeant le singe. C’est le symptôme visuel parfait d’une époque qui veut désirer sans perte, posséder sans honte, exister sans profondeur. Son regard vide est celui d’un Sujet spectral : plus vraiment humain, plus tout à fait animal, juste présent dans la chaîne de possession.
Il ne regarde pas — il est regardé.
Clinique du regard figé
Dans l’iconographie classique, l’œil est l’organe du lien. Là où le regard de l’autre me traverse, me divise, me constitue. Ici, au contraire, le regard du singe ne soutient rien. Il est clos, absent, ou sarcastiquement désaxé. Il désinvestit le lien. C’est un regard de marché : une ligne graphique pour avatar ,une zone neutre à vendre sur OpenSea.
Le clin d’œil n’est plus séduction — il est auto-satire programmée.
Structure hystérique inversée
Dans une perspective freudienne, l’hystérie est une mise en scène du manque. Elle dramatise, elle supplie, elle joue à être regardée. Mais le Bored Ape n’est pas hystérique : il mime l’hystérie, sans pulsion. Il dit :
“Je suis cool. Je suis unique. J’ai des traits rares.” Mais il ne cherche aucun transfert. Il n’appelle personne. Il pose, comme un mannequin algorithmique.
Le doigt d’honneur, dans ce contexte, n’est pas une subversion. C’est un tic de surface, une insulte publicitaire, comme une marque de skate qui vend la révolte en série limitée.
Symptôme post-identitaire
Le Singe NFT, à force d’être cloné 10 000 fois, n’est plus une figure. Il est un pattern, une variable, une matrice de désir creux.
Il est l’animal qui a perdu sa bestialité, le sujet qui a perdu son intériorité, et l’icône qui a perdu sa transcendance.
Ce n’est pas un personnage. C’est un fantasme de Moi, réduit à une mécanique d’identification vide.
L’effondrement du portrait
Dans l’histoire de l’art, le portrait est toujours une tentative de captation du sujet. De Léonard à Bacon, il s’agit de fixer un regard qui échappe, de représenter une énigme humaine dans un cadre.
Le Bored Ape, lui, inverse la logique :il n’y a plus de subjectivité à représenter. Il n’y a que des traits combinés.
Casquette, bouche entrouverte, lunettes de soleil, joint au bec…tout cela ne compose rien. Ce n’est pas un visage : c’est une grille de rareté.
Donc, le Bored Ape est un symptôme.
Un symptôme de quoi ?
De la fin du regard. De la fusion entre le Moi et le Marché. De l’avènement de l’image sans inconscient, sans secret, sans faille, mais dotée d’un prix.
Il est le symptôme ultime car il ne cherche même plus à tromper. Il est le cynisme fait pixel. Et ce cynisme est devenu désirable.
Effondrement des critères, fusion des mondes
Le Bored Ape n’a pas seulement brouillé les frontières entre art, commerce et satire. Il les a dissoutes. Il ne les a pas transgressées — ce qui supposerait encore une dialectique du désir —il les a rendues indifférentes.
Pendant longtemps, la critique d’art, même la plus laxiste, s’autorisait un tri symbolique :i l y avait l’art noble, le kitsch, l’imposture, la copie, le banal, le populaire, le brut, le dégénéré. Cette hiérarchisation pouvait être injuste, bourgeoise, eurocentrée —mais elle restait une tentative de penser l’écart, de hiérarchiser le regard en fonction d’un engagement du sens.
Avec l’arrivée des NFT, et en particulier du BAYC, ce système de lecture s’effondre. Il ne s’agit plus de distinguer, mais de valider ce qui se vend.
Le marché ne s’intéresse pas à la signification. Il ne lit pas. Il flèche. Il indexe. Il opère un jugement binaire :
Est-ce rare ? Est-ce désirable par d’autres ? Est-ce échangeable à profit ?
Et dès lors que ces critères sont remplis, l’œuvre devient œuvre, non parce qu’elle dit quelque chose, mais parce qu’elle produit du rendement symbolique.
Le Bored Ape devient alors l’icône froide d’un monde sans critique. Un monde où la valeur d’une image précède sa vision, où la preuve d’authenticité remplace l’acte de création, où le contrat numérique a supplanté le geste.
Il n’y a plus d’œuvre d’art, il y a un actif ayant l’apparence d’une œuvre, et la performativité de son inscription.
En cela, nous ne sommes plus dans une esthétique de la représentation, mais dans une socio-technique de la circulation. Le NFT ne cherche pas à signifier — il veut se diffuser. Et pour cela, peu importe qu’il soit vide, laid, cynique ou fade.
Le Bored Ape pourrait être n’importe quoi —ce qui importe, c’est qu’il soit reconnu comme “quelque chose” dans le flux.
L’anthropologue Alfred Gell, dans Art and Agency (1998), affirmait que l’objet artistique était un agent social, un nœud d’action et de relation. Le Bored Ape, lui, est un agent de rien, une forme autiste d’agir sans relation.
Il ne relie pas. Il ne transperce pas. Il n’ouvre aucun seuil.
Il flotte, dans un espace sans gravité critique, où l’on ne sait plus si l’on contemple une imposture…ou si c’est simplement le monde lui-même qui a changé d’échelle.
Le regard psychanalytique : entre sarcasme et écoute
On pourrait s’arrêter là. Rire. Dénoncer. Dire que le Bored Ape est une imposture, une caricature, un non-événement. Mais ce serait encore trop facile. Car le sarcasme, comme le NFT, peut devenir un refus du lien.
La psychanalyse du Seuil, elle, ne s’arrête pas au jugement. Elle écoute les symptômes. Même ceux qui nous exaspèrent... là, jusqu'au bout des ongles. Surtout ceux qui n’ont plus de langage.
Et c’est précisément cela, que dit le Singe.
Le Singe NFT comme objet resté
Dans la logique analytique, un “objet resté” est ce qui n’a pas été métabolisé par le Sujet. Ce qui reste bloqué dans le regard, dans la mémoire ou dans le marché. Il n’est plus actif symboliquement, mais persiste comme signe d’un trauma sans récit.
Le Bored Ape, dans cette lecture, est l’image d’un désir numérique figé, d’un regard qui n’a jamais su quoi en faire. Un objet devenu trace d’un effondrement collectif du symbolique.
Un fantasme sans inconscient
Ce qui frappe dans le NFT, ce n’est pas l’imaginaire — c’est son absence. Aucune opacité. Aucun refoulé. Tout est là : montré, étiqueté, tarifé, verrouillé.
Freud nous rappelle que le fantasme suppose une béance, un manque. Ici, le trou est bouché. Par le contrat. Par le fichier .png. Par la blockchain.
Le Bored Ape est une production sans refoulé, ce que Lacan appellerait une image forclose. Elle n’a pas été métabolisée par le symbolique, et revient donc sous forme de fétiche froid.
Le créateur comme embaumeur
Yuga Labs n’est pas un collectif d’artistes. C’est une fabrique de signes à capitaliser. Ses fondateurs — Gargamel, Goner & co — ne sculptent pas un regard, ils programment des matrices de traits destinés à se comporter comme des actifs.
Dans la lecture psychanalytique, ce geste n’est pas celui du créateur, mais de l’embaumeur : celui qui maintient le cadavre dans un état regardable, non pour pleurer sa perte ,mais pour en extraire encore du prestige.
Le Singe NFT est un mort auquel on refuse la décomposition, car elle coûterait trop cher.
Le silence comme faille
Mais alors… que faire ? La psychanalyse ne peut ni sauver, ni légitimer, ni annuler ce phénomène.
Elle peut, au mieux, entendre ce qu’il ne dit pas. Et ce qu’il ne dit pas — c’est peut-être la peur contemporaine de l’irréversible.
Car tout dans le Bored Ape est réversible, échangeable, spéculable. Mais le manque, lui, ne l’est pas. Et c’est cela que nous ne supportons plus :l e manque d’une image qui ne reviendra pas, le regard d’un artiste qu’on ne pourra pas acheter.
Le Singe NFT est alors le symptôme inverse du cri de Munch : là où Munch hurle un vide abyssal, le Singe sourit un silence comptable.
Psychanalytiquement, c’est un changement de régime (non, pas de bananes) :
Nous ne sommes plus dans l’ère du refoulé. Nous sommes dans l’ère de l’épinglé. Tout est là. Fixé. Archivé. Sans espace pour la perte, pour le tremblement, pour le “je ne sais pas”.
Et c’est à cet endroit, justement, que la psychanalyse du Seuil peut intervenir : non pour condamner, mais pour écouter la rigidité même du signe. Et dire doucement :
“Tu ne dis rien. Mais tu es là. Et ce silence, nous allons l’ouvrir.”
VI. Ce que révèle l’effondrement
(Conversion du NFT en kilos de bananes)
Le 26 octobre 2021, Bored Ape #8817 s’arrache aux enchères chez Sotheby’s pour 3,4 millions de dollars. C’est le sommet. La messe est dite. Le Singe est sacré.
À cette époque, le floor price — c’est-à-dire la valeur minimale d’entrée pour posséder un singe — atteint 128 ETH, soit près de 400 000 dollars. Le NFT est alors présenté comme l’avenir de la propriété culturelle, la nouvelle élite visuelle, le signe de reconnaissance entre initiés.
Et puis, la chute. L’effondrement n’a pas été brutal, mais délirant de logique :
→ moins de désir,→ moins de buzz,→ moins de nouveaux entrants.→ le marché s’est vidé de sa jouissance.→ l’image a cessé d’exciter.
Aujourd’hui, le même singe, ou son équivalent graphique, se négocie autour de 13,6 ETH — environ 30 000 dollars. Soit une perte de 90 % de sa valeur de sommet. Et là chute continue.
Et si on changeait d’unité ?
Posons une hypothèse symbolique simple :→ si l’image du singe est censée incarner l’animalité,→ si sa logique de consommation est celle de la rente,→ alors traduisons sa valeur actuelle en kilos de bananes.
Conversion réelle :
Prix actuel d’un BAYC : 30 000 $
Prix moyen du kilo de bananes (cours FAO 2024) : 0,45 $
Valeur actuelle du singe : ≈ 66 667 kg de bananes
“Maintenant, je ne pèse plus que 664 kg de bananes.”
Cette phrase, imprimée en bas d’une parodie du Bored Ape, pousse encore plus loin la décote. Il est à la fois un sarcasme, et une vérité fondamentale sur la matérialisation grotesque de l’abstraction spéculative.
Ce que révèle cette conversion :
Le retour à la masse, au poids, à l’organique.
La dé-sacralisation de l’image par l’étalonnage alimentaire.
La prise au mot du NFT comme objet d’échange brut, et non comme œuvre.
On revient au marché, au fruit, à l’objet périssable. Et par cette opération, le fétiche se dégonfle. Il n’est plus regardé avec admiration, mais avec cette gêne qu’on éprouve devant un artefact tombé de son socle.
Clinique du renversement :
Ce n’est pas le prix qui est obscène. Le marché est libre. C’est le décalage entre le prix et la consistance réelle de l’objet. Or, en ramenant le Bored Ape à la banane, on produit une opération de retour au réel : le corps, la chair, la peau, le poids. Tout ce que le NFT refusait.
Le NFT voulait échapper à la matière. La banane la réimpose.
Vers une psychanalyse économique du numérique
Ce glissement est crucial pour la psychanalyse. Il montre que l’échec spéculatif du Bored Ape n’est pas une chute financière. C’est une perforation dans la structure imaginaire de la toute-puissance.
En chutant, le Singe redevient un objet regardable. Un échec regardable. Un symptôme regardable.
Et peut-être alors, enfin, une œuvre possible. Et franchement, son design est tout de même trognon, non ?

Le dernier clin d’œil
Le Bored Ape aura tout traversé : le fantasme de l’éternité, la spéculation hystérique, l’effondrement de la critique, et la conversion finale en kilos de bananes.
Il aura été tour à tour : avatar statutaire, symptôme de classe, caricature de l’art, et enfin —cadavre souriant.
Mais il aura eu ce mérite : celui de faire apparaître la nouvelle configuration du visible. Un monde où le regard ne distingue plus l’art de l’actif, l’œuvre de l’empreinte, le sujet du profil.
La psychanalyse, elle, ne condamne pas. Elle n’élève pas le bon goût. Elle n’archive pas le jugement. Elle écoute.
Et ce que le Singe NFT dit, dans son dernier clin d’œil fatigué, ce n’est pas :
“Regarde comme je suis unique.”
Mais plutôt :
“Je suis ce que tu as voulu être : immortel, sans perte, sans corps —et désormais, sans valeur.”
"Banane !"
Bibilographie critique pour "Le Singe embaumé"
I. Psychanalyse, symptôme et fétichisme
Freud, S. (1927). Le fétichisme. In Essais de psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1981.
Texte fondamental sur la formation du fétiche comme compromis entre reconnaissance et déni de la castration. Transposable ici à la logique NFT.
Lacan, J. (1954-1955). Le Séminaire, Livre II. Le Moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1978.
Utile pour comprendre le renversement entre le Moi spéculaire et sa saturation dans le fétiche numérique.
Kristeva, J. (1987). Soleil noir. Dépression et mélancolie, Paris, Gallimard.
L'embaumement du Singe NFT peut être lu comme refus mélancolique de la perte.
Green, A. (1983). Narcissisme de vie, narcissisme de mort, Paris, Les Éditions de Minuit.
Pertinent pour penser la logique de non-altération du NFT comme mise à distance de la perte libidinale.
II. Théorie critique de l’art et capitalisme esthétique
Baudrillard, J. (1972). Pour une critique de l’économie politique du signe, Paris, Gallimard.
La référence majeure pour comprendre le NFT comme objet-signature sans contenu mais à valeur d’échange.
Groys, B. (2008). L’Art à l’époque de sa reproductibilité numérique, Paris, Éditions de l’Éclat.
Analyse de l’œuvre d’art post-digitale dans un espace d’archivage infini. Le Singe y devient un artefact circulant sans aura.
Han, B.-C. (2021). La disparition des rituels, Paris, Actes Sud.
Le NFT est une image sans rituel, sans seuil, sans passage. Han éclaire ici le vide de la performativité contemporaine.
Bishop, C. (2012). Artificial Hells: Participatory Art and the Politics of Spectatorship, Londres, Verso.
Pour penser l’effacement du regard critique au profit de la participation symbolique (acheter = appartenir).
III. NFT, cryptomonnaie et dérives spéculatives
Lévy, P. (2022). Le crypto-art et les NFT, Paris, PUF.
Une des rares introductions françaises solides, avec précautions critiques et retours techniques utiles.
Steyerl, H. (2017). Duty Free Art: Art in the Age of Planetary Civil War, Londres, Verso.
Le NFT comme image hors-sol, déterritorialisée, détachée de toute matérialité. Prophétique.
Klein, N. (2000). No Logo, Paris, Actes Sud.
Déjà en 2000, Klein décrivait l’image de marque comme étant plus puissante que le produit. Le NFT pousse cette logique jusqu’à l’absurde.
Kaplan, J. (2021). NFTs Are Shaking Up the Art World – But They’re Far From Revolutionary, ArtReview, 15 March.
Une critique claire du mythe “révolutionnaire” du NFT. Position documentée contre l’hyperbole médiatique.
IV. Anthropologie de l’image, regard et fétichisation
Belting, H. (2001). Anthropologie de l’image, Paris, Gallimard.
Pour replacer le Singe NFT dans une histoire longue des usages symboliques de l’image — ici vidés de leur fonction rituelle.
Gell, A. (1998). Art and Agency: An Anthropological Theory, Oxford, Oxford University Press.
L’objet artistique comme agent. Le NFT rompt précisément cette chaîne d’agency symbolique.
Didi-Huberman, G. (1990). Devant l’image, Paris, Minuit.
Essentiel pour comprendre comment une image cesse de faire regard. Le NFT est l’anti-regard : il ne soutient pas la vision, il la contourne.