Pensée Brute : LE POP ART DANS L’ANTIQUITÉ : AUGUSTE, PREMIER WARHOL ?
- Fabrice LAUDRIN
- 20 mars
- 4 min de lecture

Ah, le Pop Art, ce grand éclat de rire post-moderne qui se pavane dans les musées en prétendant avoir tout inventé. Andy Warhol nous aurait offert l’image en série, Roy Lichtenstein le détournement ironique, Banksy la provocation populaire. Balivernes.
L’histoire de l’art adore raconter ses petites fictions de ruptures, mais la vérité, c’est que le Pop Art n’a rien inventé. Il était déjà là, bien avant les Américains et leurs boîtes de soupe.
Et pour prouver ça, on va faire un petit voyage dans l’Antiquité. Là où les empereurs romains se prenaient pour des logos, où les fresques de Pompéi jouaient aux comics avant l’heure, où les graffitis avaient déjà le mordant d’un Banksy bien aiguisé. Alors, Warhol ? Petit joueur.
L’IMAGE INDUSTRIELLE AVANT L’INDUSTRIE
Commençons par le commencement : Warhol a inondé le monde de Marilyn Monroe et de Mao, en les imprimant jusqu’à saturation. Une icône multipliée jusqu’à en perdre son sens originel, une overdose visuelle qui transforme l’individu en pure surface médiatique.
Mais regardons du côté d’Auguste. Le premier empereur romain, ce génie du marketing impérial, a littéralement industrialisé son propre visage. Il l’a fait frapper sur des millions de monnaies, sculpté sur des centaines de bustes, peint sur des fresques. Un logo avant l’heure. Partout où l’Empire s’étendait, il fallait qu’on voie sa tronche juvénile et idéalisée, impeccable même à 70 ans.
Auguste, c’est du Warhol en marbre. La répétition, la saturation, la fabrication d’un mythe visuel, tout y est. À une différence près : là où Warhol voulait dénoncer la société du spectacle, Auguste, lui, voulait que ça marche.
LE DÉTOURNEMENT : POMPÉI, PREMIÈRE USINE À MEMES ?
Le Pop Art, c’est aussi la réappropriation. Lichtenstein a pris des comics sans valeur pour en faire de l’art officiel, Banksy recycle des icônes historiques pour mieux les dynamiter. Rien de neuf sous le soleil.
À Pompéi, les Romains dessinaient déjà sur leurs murs avec une ironie mordante. On y trouve des caricatures, des gladiateurs grotesques, des scènes où des personnages enflés jusqu’au ridicule tentent de jouer les héros, des "noms d'oiseaux" bien sentis. Une mosaïque montre un squelette trinquant avec un gobelet de vin et l’inscription "Profite, avant que la mort ne te rattrape." Digne d’un t-shirt Banksy, vendu 80 balles à Shoreditch.
Et puis il y a ces fresques de banquets où les riches maîtres sont ridiculisés, remplacés par leurs esclaves en train de s’empiffrer. Un renversement burlesque, un détournement social en image. Les Romains faisaient du Pop Art, mais avec un vrai sens du sarcasme.
LES GRAFFITIS ROMAINS : DU BANKSY EN TOGE
Parlons des graffitis. Ces chers petits murs du forum, ces amphithéâtres couverts de messages gravés à la va-vite. Les Romains taguaient leurs murs comme des punks de la bonne époque avant l’heure.
On retrouve des satires sur des politiciens, des poèmes moqueurs, des dessins de gladiateurs ridiculisés. Une inscription retrouvée à Herculanum dit : "Lucius est un abruti, et sa femme aussi." Un chef-d’œuvre minimaliste, digne des plus grandes punchlines de Twitter.
Le plus beau ? Des caricatures de sénateurs avec des nez hypertrophiés, des allusions graveleuses sur les puissants de l’époque. Exactement ce que fait Banksy avec ses politiciens porcins. Sauf qu’ici, personne ne vendait ça sous plexiglas chez Sotheby’s.
L’ART POPULAIRE AVANT LE POP ART : LE VRAI MENSONGE
Le Pop Art se revendique d’une réconciliation entre l’art et la culture populaire. Mais dans l’Antiquité, il n’y avait pas de barrière. Les fresques de Pompéi, les mosaïques burlesques, les graffitis du forum étaient accessibles à tous.
Les mosaïques de Délos, avec leurs squelettes fêtards, étaient placées dans des tavernes. Les portraits impériaux étaient montrés dans la rue, sur des temples, sur des marchés. Il n’y avait pas de galerie chic, pas de musée avec des cartels pompeux pour expliquer ce que l’image voulait dire.
Et c’est bien là que le Pop Art moderne se plante lamentablement. Il prétend parler au peuple, mais il se vend aux élites. Warhol critique la société de consommation, et vend ses œuvres à des milliardaires. Banksy raille le marché de l’art, et voit ses peintures s’arracher dans des ventes aux enchères, et jusqu'à preuve du contraire, il laisse gonfler son marché. L’ironie ultime ? Les Romains, eux, n’avaient pas besoin de ça.
CONCLUSION : LE POP ART N’A RIEN INVENTÉ, IL A SIMPLEMENT OUBLIÉ
L’histoire adore ses mythes. L’idée que l’art progresse, qu’il innove, qu’il se réinvente à chaque siècle est une illusion. Le Pop Art est un retour de flamme, un vieux spectre qui resurgit sous un autre nom.
Auguste faisait du Warhol. Les graffitis romains faisaient du Banksy. Les mosaïques pompéiennes faisaient du Lichtenstein.
Sauf qu’eux ne se prenaient pas pour des révolutionnaires. Ils n’avaient pas besoin d’un manifeste, ni d’un vernissage au champagne. Ils faisaient juste des images puissantes, répétées, ironiques, subversives... captivantes.
Alors si le Pop Art moderne veut vraiment mériter son nom, il ferait bien de creuser un peu plus. Parce qu’à force de croire qu’il a tout inventé, il devient juste une version édulcorée de ce que l’Antiquité savait déjà faire avec insolence... A Délos, les squelettes fêtards étaient populaires, à Paris, le Pop Art est... Pop comme le bruit du champagne.