Guernica, Face à Freud - bienvenue dans la faille
- Fabrice LAUDRIN
- 15 févr.
- 3 min de lecture

Guernica, ce n’est pas une fresque héroïque. Ce n’est pas un cri de révolte. Ce n’est pas une histoire avec un début, un milieu et une fin. Guernica, c’est une faille. Une brèche dans le réel. Une scène qui s’ouvre pour vous avaler sans jamais se refermer. Vous y entrez les yeux grands ouverts, curieux, et soudain vous voilà pris dans une boucle. Chaque cri devient silence. Chaque fragment vous murmure qu’il ne partira jamais. Et vous non plus.
Pas de progression. Pas de sortie. Juste un état suspendu, tendu entre ce qui s’écroule et ce qui résiste encore. Un seuil. Ni la vie, ni la mort n’ont le dernier mot. Ce tableau, c’est une mécanique subtile où les pulsions se croisent, s’affrontent, se mélangent sans jamais trancher. Rien ne se résout. Tout reste en tension, prêt à craquer. Un piège parfait. Une boucle infinie, élégante et cruelle.
Alors, autant plonger dedans. Non pas pour comprendre, mais pour s’y perdre un peu mieux. Ce que vous allez lire, c’est une traversée en cinq actes, une exploration de chaque brèche, chaque fragment de ce tableau, comme autant de morceaux d’un rêve devenu réel. Ou plutôt un cauchemar. Répétition, défense, seuils ouverts… chaque partie creuse un peu plus profond.
Et si vous pensiez que c’était juste un tableau, préparez-vous : vous allez revoir votre définition de l’art.
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Ce qui vous attend
Les stades de la libido dans Guernica : Chaque pulsion se retourne sur elle-même, se désagrège, se répète. Freud n’a jamais rêvé de décor aussi baroque pour ses stades infantiles.
Eros et Thanatos : La danse fatale : Pulsion de vie contre pulsion de mort. Une bataille qui n’a ni début ni fin. Ici, personne ne gagne. Tout reste suspendu dans l’entre-deux.
Compulsion de répétition : La boucle infernale : Rien n’avance. Chaque cri, chaque fragment rejoue inlassablement la même scène, piégé dans une mécanique sans échappatoire.
Les mécanismes de défense : Stratégies de survie : Refoulement, dissociation, déplacement… À force de protéger, ces défenses finissent par fissurer la scène.
Théâtre du seuil : Là où le réel surgit : Pas de résolution, pas de répit. Ce tableau est un seuil infini, une zone vivante où chaque fissure devient un passage vers ce qui ne devrait pas être là.
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Notions psychanalytiques pour ne pas sombrer (ou presque)
Petit guide de survie avant d’entrer dans la faille :
• Eros et Thanatos : Pulsion de vie et pulsion de mort. Toujours présentes, toujours en tension, jamais résolues.
• Compulsion de répétition : Ce qui n’a pas été digéré revient, toujours au même endroit, toujours avec la même intensité. Le temps s’arrête, la boucle recommence.
• Les mécanismes de défense : Refoulement, déplacement, dissociation… Ces petites ruses inconscientes qui maintiennent l’équilibre — jusqu’à ce que tout lâche.
• Le seuil : Un espace entre deux mondes. Un lieu de passage où rien ne se stabilise, où tout reste ouvert.
• Le réel (Lacan) : Ce qui échappe à toute symbolisation. Ce qui insiste là où on ne l’attend pas. Une force brute qui traverse le tableau.
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Bibliographie pour survivre
Voici quelques références qui peuvent servir de bouée, si vous souhaitez creuser les abysses :
• Assouline, P. (2021). Picasso, le dernier des Modernes. Paris : Gallimard.
• Freud, S. (2020). Les Pulsions et leurs destins. Paris : PUF.
• Lacan, J. (2021). Séminaire VII : L’éthique de la psychanalyse. Paris : Seuil.
• Van der Kolk, B. (2021). The Body Keeps the Score. New York: Penguin Books.
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Bienvenue dans la brèche
Chaque billet de cette série est une invitation à franchir un seuil, à plonger dans une nouvelle zone d’instabilité. Il ne s’agit pas d’une analyse classique, mais d’une traversée, une exploration de ce qui insiste, de ce qui résiste, et surtout de ce qui revient, toujours.
Alors, préparez-vous. Ce n’est pas une sortie de secours que vous allez trouver ici. Juste plus de fissures, plus de seuils, et ce tableau qui vous attend à chaque recoin pour vous rappeler qu’il ne vous lâchera pas.