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Should I Stay or Should I Go, The Clash à la rescousse de la névrose du Seuil.

  • Photo du rédacteur: Fabrice LAUDRIN
    Fabrice LAUDRIN
  • 24 févr.
  • 3 min de lecture
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Sisyphe est un punk : entre l'effort et le mirage de soi


Il marche, il pousse, il roule. Sisyphe n’a jamais été qu’un mouvement, une trajectoire sans destination. Son existence se joue dans l’élan, dans la tension musculaire qui précède la chute, dans l’effort qui n’est ni un progrès, ni une régression, mais un pur cycle. Dans cette marche absurde, il est heureux. Non pas d’un bonheur béat, mais d’une clarté : il ne se pose pas la question. Tant qu’il monte, tant qu’il descend, il échappe au vertige du choix.


Mais que se passe-t-il si, pour une fois, Sisyphe s’arrête ? Si, au sommet de la pente, il relâche la pression de ses bras et regarde son rocher ? Que se passe-t-il si, au lieu de se lancer à nouveau dans la descente, il se contemple dans la pierre ?


Là commence la névrose, Sisyphe perdu entre la rage du mouvement et l’angoisse du miroir. Là où son existence n’était que rythme et répétition, un doute surgit : Should I Stay or Should I Go ?


The Clash et Sisyphe : une même énergie, une même hésitation, un même combat existentiel.

Dans l'être au monde punk, tout est tension. Une impulsion brute, une révolte qui ne cherche pas de finalité, qui s’épuise dans son propre cri. Should I Stay or Should I Go (The Clash, 1982) est construite sur cette contradiction : partir ou rester, fuir ou s’accrocher, lâcher prise ou recommencer ?

Should I stay or should I go now?

If I go, there will be trouble…

And if I stay, it will be double!


Le narrateur est coincé entre deux états, incapable de se stabiliser dans un choix. Partir ne résoudrait rien, rester serait pire. Cette oscillation, ce refus de toute résolution, c’est le même dilemme que Sisyphe figé devant sa pierre. Tant qu’il roule, tant qu’il pousse, il ne doute pas. Mais dès qu’il s’arrête, il se regarde faire, et c’est là que le vertige commence.


Car que voit-il dans le rocher ? Son reflet. Un Narcisse inversé, piégé non par l’amour de soi, mais par l’impossibilité d’échapper à son image. Il ne tombe pas dans l’eau, il ne disparaît pas dans le miroir. Il se voit en train de voir, et c’est cela qui le paralyse.


Sisyphe punk est pris dans cette boucle schizophrénique : doit-il continuer à pousser, ou peut-il exister autrement ?


La névrose du seuil : Sisyphe en équilibre instable

Dans la névrose du seuil, ce n’est pas l’effort qui est problématique, ni l’arrêt, mais le fait de ne jamais pouvoir se stabiliser dans l’un ou l’autre. Sisyphe qui pousse ne doute pas. Sisyphe qui s’arrête ne doute pas. Mais Sisyphe qui hésite entre les deux, lui, est en crise.


Si la névrose classique est définie par le conflit entre désir et interdit, ici elle se joue dans la fracture entre deux états incompatibles. Ce n’est pas « vouloir et ne pas pouvoir », c’est être suspendu entre deux pôles et ne pouvoir habiter aucun des deux pleinement.


Le punk de Should I Stay or Should I Go est piégé exactement de la même manière. Il ne choisit pas de rester, il ne choisit pas de partir, il se laisse hanter par la question elle-même. Il n’y a plus de mouvement fluide, seulement une oscillation stérile. Sisyphe punk est un Sisyphe en panne, un Sisyphe en miroir.


Que faire, alors ? Recommencer à rouler sans se poser de questions ? Accepter de ne plus avancer ? Ou bien apprendre à exister dans l’oscillation elle-même, dans cette tension entre deux pôles ?


Le punk, au fond, répond à sa manière. Il transforme cette hésitation en style, en cri, en musique. L’indécision devient un rythme, une répétition scandée, une impasse électrisante.


Peut-être que la seule solution, pour Sisyphe, n’est pas de trancher, mais de transformer son vertige en danse, son hésitation en performance.


Le punk ne résout rien. Mais il continue à jouer, et exister pleinement est peut-être uniquement ceci.

Should I Stay or Should I Go

Groupe : The Clash

Album : Combat Rock (1982)

Compositeurs : Mick Jones, Joe Strummer

Genre : Punk Rock

Durée : 3:09

Label : CBS

Contexte : Cette chanson incarne parfaitement l’ambivalence et l’instabilité. Écrite par Mick Jones, elle évoque à la fois une rupture amoureuse et un état d’esprit plus large : faut-il rester ou partir ? La tension est renforcée par une alternance entre une voix douce et un refrain explosif, mimant le balancement entre hésitation et action. Cette chanson est l'illustration parfaite de la névrose du seuil : elle n’apporte aucune réponse, elle joue avec le suspense de l’indécision, transformant une impasse en rythme. Elle est l’exacte mise en musique de Sisyphe arrêté, de ce moment où tout bascule entre l’effort et l’abandon.


 
 

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