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Le Sisyphe de Camus (1942)

  • Photo du rédacteur: Fabrice LAUDRIN
    Fabrice LAUDRIN
  • 24 févr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 févr.




Dans cet essai fondamental publié en 1942, Albert Camus explore le rapport de l’homme à l’absurde, cette tension entre la quête de sens et le silence indifférent du monde. Plutôt que de chercher un salut illusoire ou de sombrer dans le nihilisme, Camus propose une alternative radicale : accepter l’absurde et y trouver une forme de liberté et de joie lucide.

À travers la figure mythologique de Sisyphe, condamné à rouler éternellement son rocher en haut d’une montagne, Camus dessine une philosophie de la révolte où l’homme, même privé de sens, peut choisir d’embrasser sa condition et d’y inscrire un acte de résistance.

Ce texte est une lecture essentielle pour qui s’intéresse à la philosophie existentielle et à la pensée camusienne. Il pose des questions fondamentales sur notre rapport au monde, à la liberté, et à la nécessité de vivre sans recours à des absolus transcendants.

Dans une époque où la quête de sens est omniprésente, Le Mythe de Sisyphe résonne avec une force intacte, et trouve aujourd’hui des échos dans la Psychanalyse du Seuil et du Flux, où l’homme se définit non plus par un but ultime, mais par son capacité à habiter le passage, à faire du mouvement un acte d’être.

Pour aller plus loin...

L’Utilité du Mythe de Sisyphe dans la Psychanalyse du Seuil et du Flux

Camus et son Sisyphe heureux offrent une porte d’entrée précieuse pour la Psychanalyse du Seuil et du Flux, en ce qu’ils placent l’homme face à un interstice fondamental : celui entre l’absurde et l’action, entre l’absence de sens et la nécessité de vivre. Ce mythe réinterprété par Camus devient un point de bascule, une oscillation dynamique entre le refus et l’acceptation, entre la révolte et la joie tragique.


Le Seuil : Sisyphe, figure du passage et du refus du salut

Dans la Psychanalyse du Seuil, l’humain se trouve constamment à la lisière, dans une tension entre ce qui est et ce qui pourrait être. Or, Sisyphe ne cherche ni à transcender sa condition, ni à s’y soumettre : il occupe l’interstice, il l’incarne. Là où d’autres mythes suggèrent une rédemption (Prométhée, Œdipe), Sisyphe demeure dans un éternel entre-deux, où l’acceptation de l’absurde devient une forme d’émancipation.

Loin de l’angoisse du vide, Sisyphe fait du seuil un lieu d’existence actif, refusant de le combler par des illusions. Il devient une figure paradigmatique du sujet du seuil, celui qui sait qu’il n’y aura pas de résolution finale, mais qui habite l’instant du retour, de la chute, avec une lucidité transformante.


Le Flux : Sisyphe et le mouvement circulaire

Si l’on transpose Sisyphe dans la Psychanalyse du Flux, il devient une incarnation de la temporalité cyclique : le même mouvement se répète, mais l’attitude face à lui peut changer. Là où une vision linéaire du temps chercherait un progrès ou une fin (un but, une résolution), le mythe propose un flux sans finalité, une danse perpétuelle avec l’absurde.

Là réside la clé : ce n’est pas la tâche qui change, mais le regard que l’on pose sur elle. Sisyphe passe du supplice à la maîtrise en embrassant le flux, sans chercher à le fuir. Il ne s’agit plus d’un échec, mais d’un rythme. C’est précisément ce qui est au cœur de la Psychanalyse du Flux : ne pas chercher à interrompre ou résoudre, mais à s’accorder avec le mouvement du réel, comme un surfeur avec la vague, comme un musicien avec une boucle répétitive.


Camus et le Sujet du Seuil : Une alternative aux mythologies du Salut

Dans la Psychanalyse du Seuil et du Flux, Sisyphe annule la dialectique du manque et du comblement. Il ne cherche pas à combler un vide, il le traverse, il le travaille. Contrairement aux récits religieux ou psychanalytiques classiques qui proposent un manque à combler (par l’Autre, par la Loi, par la Vérité), ici, l’absence de sens n’est plus un problème, mais une condition à habiter.

Loin de la culpabilité œdipienne ou de la quête d’un père symbolique, Sisyphe incarne une posture existentielle radicale : ni résignation, ni fuite dans une transcendance, mais jouissance du réel tel qu’il est. La Psychanalyse du Seuil et du Flux trouve ici un modèle d’acceptation active du monde, sans promesse de rédemption, sans idéalisation d’un au-delà.


Sisyphe, une figure du seuil en mouvement

Sisyphe est utile à la Psychanalyse du Seuil car il habite l’interstice au lieu de le nier. Il est utile à la Psychanalyse du Flux parce qu’il épouse le mouvement au lieu de le rejeter. Son bonheur, c’est l’affirmation que le seuil n’est pas un manque mais un espace d’être, et que le flux n’est pas une contrainte mais un terrain de jeu.

En cela, Le Mythe de Sisyphe ne se contente pas d’être une lecture existentielle : il devient une grille d’analyse clinique et artistique, où l’absurde, le seuil et le flux se croisent pour ouvrir une nouvelle voie à la pensée et à la création.


Courte biographie d'Albert Camus

Albert Camus est un écrivain, philosophe et dramaturge français, né le 7 novembre 1913 à Mondovi, en Algérie française, et mort tragiquement dans un accident de voiture le 4 janvier 1960. Figure majeure de la littérature et de la pensée du XXe siècle, il est associé à la philosophie de l’absurde, bien qu’il se soit toujours distingué de l’existentialisme de Sartre.

Issu d’un milieu modeste, il grandit en Algérie et découvre très tôt la philosophie et la littérature. Son premier grand succès, L’Étranger (1942), marque son entrée dans la modernité littéraire en incarnant l’absurde à travers le personnage de Meursault. Parallèlement, il publie Le Mythe de Sisyphe (1942), essai fondamental sur la confrontation de l’homme avec un monde sans sens.

Engagé dans la Résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, Camus devient rédacteur en chef du journal Combat, où il défend une pensée humaniste et révoltée. Son œuvre s’enrichit avec La Peste (1947), allégorie sur la condition humaine et la solidarité face au mal, et L’Homme révolté (1951), qui interroge la nécessité et les dérives de la révolte. Ce dernier ouvrage creuse le fossé entre lui et Sartre.

En 1957, il reçoit le Prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre, consacrée à « l’éclairage des problèmes de la conscience humaine ». Sa mort brutale en 1960, dans un accident de voiture, prive le monde d’une voix qui, à travers son refus des dogmes et son attachement à la justice et à la liberté, continue de résonner aujourd’hui.


Notice bibliographique

Camus, A. (1971). Le mythe de Sisyphe (Éd. revue). Paris, France : Gallimard.

Cette édition est de loi ma préférée...


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