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Seuil, archétypes et forces en tension. Autour de la sculpture de Guiro : La Roue de la Vie.

  • Photo du rédacteur: Fabrice LAUDRIN
    Fabrice LAUDRIN
  • 10 févr.
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 2 mars

Ce n’est pas une roue du destin. Pas une grande horloge cosmique où tout serait écrit. Ce n’est même pas une allégorie. C’est une scie circulaire, brute, industrielle, un objet né pour couper net, sans états d’âme. Mais voilà que Guiro la détourne, lui ôte sa rage pour en faire une scène, un équilibre fragile entre ce qui tient et ce qui fuit.


Sur le disque, un homme. Pas un marcheur, pas un coureur. Un funambule sans fil, suspendu entre deux forces contraires. La force centrifuge le projette vers le vide, l’invite à la fuite, à l’échappée. La force centripète l’attire vers l’axe, vers le point d’immobilité absolue. S’il se laisse emporter, il vole en éclats. S’il se rapproche trop du centre, il s’éteint. Il oscille, ajuste, cherche l’endroit précis où rien ne s’effondre et où rien ne s’éteint. Sous lui, le métal vibre, grince, menace.


La roue tourne, mais c’est dans notre cervelle qu’elle fait son cirque. Le granit gris, lui, reste stoïque. Solide comme un vieux tonton breton enraciné dans son bout de terre, il regarde la roue s’agiter, imperturbable. Ce qui vibre, ce qui chavire, c’est nous.


Taillé dans la pierre de Baud, il en a vu d’autres : le vent du large, les tempêtes de mode et le temps qui fait son boulot sans jamais se presser. La roue peut bien crisser et se tordre, le granit, lui, s’en balance. C’est une conversation d’obstiné : le mouvement qui cherche la fuite et la mémoire qui ne lâche rien.


Guiro, sourire en coin, résume la scène comme un patron de comptoir philosophe : « Le socle est costaud, la scie se barre. » Une phrase qui tombe comme un galet sur la plage : simple, rond et lourd de sens.


Mais ici, rien n’est livré au hasard. L’inclinaison de la roue, précisément 30 degrés, n’est pas une fantaisie. C’est l’angle critique des voûtes antiques, celui où les forces se répartissent naturellement, assurant une tenue parfaite sans renforts. À 31 degrés, tout s’effondre. À 29, rien ne décolle. La roue flotte dans cet entre-deux, cet équilibre précaire entre effondrement et élévation.


L’homme sur la roue n’est pas un équilibriste. Il est l’archétype du seuil, suspendu entre le départ et l’ancrage, entre le vertige et la stabilité. Un Trickster en plein exercice de gravité. Jung y aurait vu une scène initiatique, l’épreuve du passage, celle où le funambule apprend que l’équilibre ne se trouve jamais, mais se négocie en permanence.


Et puis, cette roue, elle n’a rien du cercle parfait des visions mystiques. Son bord est cranté, irrégulier, plus proche d’une lame que d’une boucle sans fin. La symétrie est une illusion. L’homme n’est pas là pour s’y fondre, mais pour danser avec elle, chercher dans chaque secousse, chaque soubresaut, l’instant où le chaos et l’harmonie se frôlent.






Célérité, trajectoire, changement de cap. Ce sont les mots que Guiro pose sur son œuvre. Chaque tour est une tentative, un ajustement, une négociation avec l’invisible. Rien n’est stable. Rien ne se répète. Le mouvement n’est pas une soumission, mais un dialogue. L’homme ne combat pas la gravité, il en joue. Il n’affronte pas la roue, il compose avec elle. Et dans cette conversation silencieuse, l’art frôle son idéal : un seuil vivant, une oscillation, une question sans réponse définitive.





La Roue de la Vie, c’est l’existence en raccourci : un sacré numéro d’équilibriste, toujours en mouvement, entre ce qui vous pousse dehors et ce qui vous ramène au centre. Une métaphore en métal et granit pour ceux qui savent que l’équilibre, ça se mérite à chaque pas. Guiro s’y reconnaît, moi aussi… et vous ?




Où voir cette œuvre ?

Tant qu’elle est encore làGalerie Guiro, 7 rue du Port, 29930 Pont-Aven

Pour citer cet article

Bibliographie d'étude

Notions psychanalytiques rencontrées dans l’œuvre

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