Alain, séance 3 - La Belle et la Bête
- Fabrice LAUDRIN
- 4 févr.
- 12 min de lecture
Dernière mise à jour : 7 févr.

Lundi 13h15 – 50 cl de trouble
Le brouillard s’est levé. Après deux semaines de coton humide, le soleil perce timidement sur Pont-Aven. Le ciel est d’un bleu lavé au crachin breton. Je suis à ma place habituelle au Café du Centre : une quiche lorraine, un café, les notes sur Alain et les patients de l’après-midi et un soupçon d’égoïsme pour savourer le calme avant la tempête.
Philomène débarque, ma guide-conférencière préférée, sourire large comme une étrave et une pinte de de bière brune à la main. Elle la pose devant moi avec un geste mi-généreux, mi-théâtral.
« Pour vous, Môssieur François. Histoire de décompresser. »
Décompresser ? Je ne sais plus où me mettre. Les cancans du village n’ont pas besoin de brume pour se glisser partout. Le café est bondé, et j’imagine déjà les commentaires : « Defontval et Philomène, en pleine semaine, avec une bière ! »
Elle s’assied en face de moi, coudes sur la table, et plante son regard dans le mien.
— Bon, François, il faut qu’on parle. Ta fille… je lui ai trouvé un stage d’été au musée d’Orsay. »
Je reste figé. Ses mots traversent mon esprit comme un train fou lancé sur une voie de garage.
— À Orsay ?
Elle hoche la tête, sûre d’elle.
— Oui, Orsay. Une chance incroyable. Ta fille est brillante, elle m’a impressionnée cette semaine. J’ai fait jouer mes contacts. Tout est déjà réglé.
Brillante. Le mot me fait frissonner d’aise; fierté du père. Mais une autre pensée surgit, bien plus terre-à-terre : où loger à Paris ?
Je bredouille :
— Attends, Philomène, c’est très gentil, mais… à Paris, se loger c’est l’enfer, et seule en plus ? Elle va dormir où ?
Elle lève une main pour me couper, sourire amusé.
— François, et son oncle, tu l’as oublié ? »
Bien sûr, son oncle, son parrain, mon beau-frère, avec son appartement près de Montparnasse. Elle continue :
— On l’a eu au téléphone, ta femme aussi d’ailleurs. Il est d’accord pour l’héberger et la cadrer si nécessaire. Tout est sous contrôle. Il faut juste que tu la laisses partir.
Ces derniers mots me frappent. La laisser partir, déléguer ma responsabilité. Je sais qu’elle a raison, mais savoir n’est pas accepter. En plus, je suis mis devant le fait accompli. Je comprends mieux ces 50cl de bière, c’est pour faire passer la pilule.
Je m’adosse à ma chaise, les bras croisés.
— Une catapulte, c’est ça ?
Elle fronce les sourcils.
— Une catapulte ?
— Oui, ma fille. On la charge, on vise le bon angle, on tire… Mais après, elle atterrit comme elle atterrit ?
Elle rit doucement, sans moquerie. Elle pose une main sur mon bras.
— Elle atterrira bien, François. Fais-lui confiance.
13h25
Alain n’est pas sur le perron. Tant mieux. Je pousse la porte du cabinet. La lumière de janvier filtre à travers les rideaux, et l’air sent légèrement le bois. Mais mes pensées restent à Paris, à Orsay, et à cette catapulte qui me terrifie autant qu’elle me remplit de fierté.
Je me fais un café soluble. Une tentative de calmer le tumulte. Puis je me rappelle : Alain.
Ombre, lumière, risque. Des mots lourds, des mots qui m’attendent comme une porte entrebâillée. Lui aussi est là. Je devine sa silhouette massive devant la porte vitrée.
Le prochain acte commence.
Je l’invite à entrer, lui propose de lui faire un café. Il refuse. Balance son manteau sur son sofa. Tire sa chaise pile devant moi. Le divan, c’est trop pour lui. Trop proche du laisser-aller. Trop… humain, peut-être. Ses gestes sont les mêmes : précis, mécaniques. Mais ses mains, elles, le trahissent toujours. Elles s’agitent sur ses genoux, comme deux animaux sauvages qui cherchent une échappatoire. Il ajuste ses manches, une fois, deux fois, trois. C’est son tic à lui, son refrain.
— Bonjour, Alain, dis-je, dans mon rôle du psy bienveillant.
Un hochement de tête pour réponse. Ah, cette éloquence, un tendre ours en peluche.
Et puis, sans prévenir, il lâche, la voix basse, presque bougonne :
— J’ai encore rêvé.
Les rêves d’Alain, c’est comme déterrer des mines antipersonnel. On sait qu’il va balancer un truc lourd, mais jamais où ni quand ça va exploser. Je me redresse dans mon fauteuil, doucement, et je réponds, sur le ton le plus calme possible :
— Ah, un rêve. Et vous voulez m’en parler ?
Il hésite. Il hésite toujours. Puis, enfin, il inspire, comme s’il s’apprêtait à lever une enclume.
— C’était… encore cette forêt. Sombre, dense, un truc à vous foutre les jetons. Et le château. Mais cette fois, il était pas en ruines. Tout neuf. Trop neuf, même.
Il fait une pause, le regard rivé sur ses mains, comme si elles allaient l’aider à trouver les mots.
— Dedans, y’avait des miroirs. Partout. Impossible de les éviter. Et je voyais mon reflet, sauf que c’était pas moi. Enfin… pas complètement.
Je le regarde sans bouger, le laissant dérouler son récit. Ça ne vient pas.
— Et ce reflet, Alain, c’était quoi ? demandai-je doucement.
— Une… Bête. Moi, mais en… pire, vraiment pire, cette fois. Genre… monstrueux. Vous voyez ? Les yeux globuleux, une crinière de lion, les grandes mains poilues, des griffes d’aigle.
Il baisse la tête, visiblement mal à l’aise. Mais je sens qu’il a encore quelque chose à dire. Je reste silencieux, le laissant venir.
— Et y’avait encore une porte. Quelqu’un frappait depuis des heures. Une femme. Elle disait comme la dernière fois : "Je sais que tu es là." Mais cette fois… je me suis planqué. Derrière un miroir.
Je fronce légèrement les sourcils. Planqué derrière un miroir ? Voilà une image intéressante.
— Vous ne vouliez pas qu’elle vous voie, Alain ?
Il secoue la tête, les mâchoires serrées.
— Non. Pas comme ça. Pas… en Bête.
Je garde le silence un instant, laissant ses mots flotter dans l’air comme une fumée de tabac qu’on essaie d’ignorer.
— Et si elle voyait autre chose, Alain ? Quelque chose que vous, vous refusez de voir ? Nous en avions déjà parlé.
Il relève les yeux, surpris. Puis il ricane, un rire bref, nerveux, presque méprisant.
— Et moi je vous disais qu’elle sait pas. Elle peut pas savoir.
Je souris, doucement.
— Peut-être qu’elle sait. Peut-être qu’elle voit au-delà des murs de votre château.
Il me fixe, incrédule.
— Vous croyez ? Parce que moi, tout ce que je vois, c’est une Bête. Et les Bêtes, elles finissent pas avec la Belle. C’est pas vrai. C’est pas naturel, pas dans la vraie vie. Pas dans la vraie vie. Vous voulez quoi à la fin ? Je suis pas schizo. Je sais faire la différence entre ce que je suis et ce que j’aimerais. Franchement si c’est pour m’entendre dire ça…
Je me redresse légèrement, croisant les mains. Parfait, enfin la révolte.
— Et si la Bête ne voulait pas finir avec la Belle, Alain ? Et si elle ne voulait même pas devenir prince ?
Il plisse les yeux, l’œil noir du contremaître. Il me scrute comme si je venais d’ignorer sa dernière phrase :
— Quoi ?
— Je veux dire… Dans le conte, la Bête devient prince pour être aimée. Mais vous, Alain… Est-ce que vous voulez vraiment ça ? Est-ce que vous voulez qu’on vous transforme pour être acceptable ?
Il reste figé un instant. Puis il secoue la tête, presque violemment.
— Non. Je veux juste qu’on me foute la paix.
Je souris encore, mais cette fois, c’est un sourire plus aiguisé.
— Et si ce miroir… il n’était pas là pour vous juger, ou vous dissimuler derrière, mais pour vous montrer ce que vous êtes ? Pas un monstre, pas un prince. Juste… Alain.
Un silence s’installe. Il fixe ses mains, encore et toujours. Et moi, je sens que le château vacille, un peu. Pas encore assez pour s’écrouler, mais juste assez pour laisser entrer une lumière timide.
13h55.
L’horloge murmure dans un coin, discrète, comme un rappel que le temps passe et que la Bête, peut-être, n’est pas prête à sortir de son château aujourd’hui.
Alain, toujours rivé sur ses mains, n’a pas bougé d’un millimètre depuis que j’ai parlé du miroir. On dirait une statue de musée, le genre d’œuvre un peu trop brute pour attirer les foules, mais qu’un critique arty pourrait qualifier de saisissante allégorie de la lutte intérieure. Moi, j’appelle ça un patient qui sait déjà mais refuse de lâcher le morceau.
— Alain, dis-je, en forçant un ton léger. Et si on imaginait… juste pour rire… que cette femme entre dans le château ? Qu’est-ce qu’elle trouverait ?
Il relève la tête, les sourcils froncés, comme si je venais de lui demander de danser la gigue sur la table.
— Rien. Elle trouverait rien, parce qu’elle n’entrerait pas.
— Ah bon ? Pourquoi ça ?
— Parce que… parce que je lui ouvrirais pas.
— Ah, donc en plus de la porte, on verrouille toutes les fenêtres et les cheminées ? demandai-je, un sourire en coin.
Alain grogne. Littéralement. Un son guttural, quelque part entre le bulldog bougon et le tracteur qui refuse de démarrer.
— Vous savez, Alain, dis-je, en croisant les bras, je vais vous dire un truc. Une femme qui frappe à votre porte, c’est pas pour qu’on lui fasse un inventaire du mobilier. C’est qu’elle a déjà une idée derrière la tête.
— Quelle idée ? marmonne-t-il.
Je me penche légèrement vers lui, baissant la voix comme un conspirateur.
— Peut-être qu’elle aime les châteaux délabrés. Ou mieux : les Bêtes, les gros matous poilus.
Il écarquille les yeux, choqué.
— Alors, elle, elle serait vraiment débile.
— Oh, vous seriez surpris. Dans les contes, les Bêtes ont toujours un petit quelque chose qui attire. Une certaine… intensité. Les princes, eux, ils ont des cravates bien repassées, des manières, et trois phrases toutes faites pour emballer. Mais les Bêtes ? Elles ont du mystère. De la rugosité. Et, soyons honnêtes, un côté "mauvais garçon" qui fait craquer.
Il secoue la tête, incrédule.
— Mauvais garçon, moi ? Allez ! Et bientôt le pervers qui adore les fraîches donzelles, c’est ça ? Je vous vois venir.
— Non, je parlais juste de "mauvais garçon" ? Vous avez le profil, Alain. Regard ténébreux, silence de plomb… et, avouez-le, une Bête, c’est vachement plus intriguant qu’un type en col Claudine qui récite des poèmes. Vous connaissez beaucoup des femmes encore pleines de vie qui veulent s’installer dans un château bien carré, bien propret, sans aucune âme ? Pas ici, pas à notre époque. Elle est dans les bureaux m’avez-vous dit ?
— En fait, c’est notre directrice des ressources humaines.
— D’autant plus ! Elle a fait ses études, s’est battue pour le poste et hop direction chez pépère ? Non, et c’est bien ça le point.
Il grogne à nouveau, mais cette fois, il y a une étincelle dans son regard. Un mélange de doute et de curiosité.
— Vous êtes en train de me dire que je devrais… rester comme je suis ?
— Non, je dis que peut-être, ce que vous êtes, ça a plus de valeur que ce que vous pensez. La Bête, Alain, elle n’a jamais demandé à devenir prince. C’est les autres qui lui ont collé cette pression. Mais elle, à la base, elle était bien dans son château, à grogner et à lire des bouquins poussiéreux. Peut-être que vous aussi, vous êtes déjà assez bien comme ça.
— Et si elle voit un monstre et pas qu’une Bête ronronnant ? réplique-t-il, les mâchoires serrées.
— Alors, tant mieux ! Parce que les monstres, les hors normes, ça fascine. Ça attire. Et si elle reste après ça, c’est que vous avez vraiment quelque chose de spécial et qui lui corresponde, à elle, même si ce n’est rien qu’à elle.
Il éclate d’un rire bref, surpris par mes mots.
— Vous avez toujours réponse à tout, hein ?
— Non, Alain, pas toujours. Surtout si le patient préfère vivre cet hors-norme et choisir, à juste titre, l’inconfort. Souvenez-vous qu’il n’y a véritablement de création que dans le hors norme, et là il n’y a heureusement pas de réponse aux questions usuelles. J’ai bien dit hors norme, pas hors cadre. Vous êtes contremaître. Vous savez que le hors cadre fait dérailler le process, alors que du hors norme, le non validé, le non estampillé, peut sortir des idées nouvelles plus efficaces, plus efficientes et finalement plus adaptées à l’objectif de production. Alors dites-moi, franchement : qui aurait envie d’un château bien rangé et validé quand il peut avoir un joyeux foutoir où tout est encore possible ?
Alain recule légèrement dans sa chaise, un sourire flottant encore sur ses lèvres. Je sens que quelque chose en lui bouge. Pas une révolution, non, mais une petite fissure dans ses certitudes. Et moi, je savoure ce moment. Faut bien se rassurer par de petites victoires au quotidien.
14h10.
Le temps file, mais il nous reste encore un peu de marge pour pousser cette porte entrouverte. La Bête, clairement, n’est pas prête à devenir prince. Et franchement, qui pourrait lui en vouloir ? Moi, un rôle pareil, ça me ferait braire. Sérieux, prince dans un conte pour gamins, c’est un boulot à temps plein. Costume cintré façon mariage royal, bagouses en or à chaque doigt comme un mafieux de pacotille, sourire coincé genre pub pour du dentifrice, et l’obligation de sauver des gens. Tout le temps. Non merci. Déjà, psychanalyste, je passe ma vie à plonger dans des abysses pour repêcher mes patients. Mais au moins, j’ai ma nana et ma fille pour équilibrer tout ça. Un prince, lui, il a quoi ? Une belle qui chante aux oiseaux, et encore, elle doit toujours attendre qu’il ait fini de jouer les héros pour faire la lessive. Non. Très peu pour moi.
Je suis là, silencieux, on se connait bien maintenant. C’est le moment d’amorcer la redescente, cette phase où on essaie de filer un peu de sens à cette quincaillerie qu’est une séance rondement menée.
Je me cale dans mon fauteuil, les mains croisées sur mes genoux, et je le regarde, cette silhouette massive, voûtée mais toujours campée, un pied dans l’ombre, l’autre dans une lumière qu’il n’ose pas encore apprivoiser.
Je le regarde, Alain, sa silhouette massive comme un gros chat coincé entre deux coussins. Il a toujours ce pied dans l’ombre et l’autre qui tente une percée dans la lumière, mais sans trop savoir si c’est une bonne idée.
— Alors, Alain, je commence, aussi doucement qu’un couteau qui coupe le beurre. Si vous ne voulez pas devenir prince, qu’est-ce qui vous empêche d’ouvrir la porte à cette femme ?
— La porte ? Pfff… Je suis pas prêt. Vous le savez bien. Être une Bête, même si certaines trouvent ça sexy, ça reste… comment dire… inconfortable. Et puis une porte, ça claque. Moi, je suis plus fenêtre.
Je souris.
— Ah, une fenêtre. Évacuons cette histoire de courant d’air plus tard, mais là, vous ouvrez ou pas ?
Il me dévisage, comme s’il pesait la question pour voir si elle était trop lourde pour lui.
— Pas suffisant, voilà. Pas suffisant pour elle, pas suffisant pour moi.
— Pas suffisant ? Je répète, pour faire écho. Qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Il soupire, passe une main sur son visage comme un type qui vient de voir l’addition arriver.
— Je sais pas… J’ai mon boulot, mes potes de foot, mes pizzas du vendredi soir. Ça meuble, quoi.
Je ne bouge pas. Je laisse flotter un silence, ce genre de vide qui vous attrape et vous secoue un peu.
— Et ça, c’est suffisant pour vous ?
Il lève les yeux au ciel, version « vous êtes chiant, mais vous avez raison ».
— Non, c’est pas suffisant. Vous croyez que c’est facile de meubler ?
Je croise les bras, prenant le ton faussement indigné d’un avocat de la vie intérieure.
— Alors pourquoi continuer à y aller ? Soyons sérieux, Alain, vous n’avez pas peur de la solitude, vous la domptez au petit-déjeuner.
Il hésite, puis hausse les épaules.
— Ça fait du bien, voilà. Peut-être que ça me rappelle la cour d’école. Là-bas, au moins, j’étais bien à brailler dans le vide.
Je penche la tête.
— Et vos potes, ils sont seuls aussi ?
— Non, eux, ils sont mariés. Je suis le dernier célibataire du groupe.
— Ah, oui. Donc, si je résume, ils se regroupent pour ne pas être seuls ?
Il hausse un sourcil, intrigué, et marmonne :
— Mouais… Peut-être que c’est moi qui leur évite d’être seuls. Allez savoir.
— Et cette femme, alors ?
Il soupire, joue la carte du mec blasé.
— Quoi, cette femme ? Elle pourrait avoir tous les types qu’elle veut.
Je souris, laissant une pause pour qu’il sente arriver quelque chose.
— Et pourtant, c’est vous qu’elle regarde. Pourquoi, à votre avis ?
Son regard vacille. Je sens que je touche un nerf. Alors, je pousse :
— Vous pensez qu’elle a envie d’un prince ? Peut-être qu’elle préfère les poils et les griffes. Peut-être que c’est exactement ça qui l’attire.
Il ricane, un rire un peu nerveux.
— La DRH qui veut une Bête… C’est le monde à l’envers.
— Et si ce n’était pas si inversé que ça ? dis-je, en fixant son regard. Peut-être qu’elle voit en vous quelque chose qu’elle ne peut trouver chez personne d’autre.
Il reste figé, comme un mec qui vient de voir passer une météorite. C’est là que je choisis de lâcher la bombe. Avec une voix posée, un sourire en coin, je lâche :
— Peut-être que la réponse n’est pas chez la Bête, Alain. Peut-être qu’elle est dans ce que la Belle perçoit chez elle-même… quand elle ose s’approcher. Et allez donc savoir si quelque part elle n’est pas soumise à une pression de la part de son père, de son entourage, de la société qui préfère les femmes casées ? Ou un devoir quelconque ? comme dans le conte. Et si vous étiez l’objet d’émancipation d’un contexte que vous ne pouvez même pas imaginer ? Vous êtes tellement hypnotisé par votre propre reflet que vous ne vous vous êtes même pas soucié de ses motivations profondes.
Et là, silence. Le genre de silence qu’on pourrait encadrer dans un musée. Alain reste cloué sur place, comme si je venais de lui offrir la clé d’un coffre qu’il n’avait jamais osé ouvrir.
Il se lève, lentement :
— Alors je serais un Narcisse débile noyé dans son propre reflet. Vous voulez que je reconnaisse être pervers narcissique ? C’est ça ?
— Mais non. La vraie question, Alain, c’est : êtes-vous prêt à lui laisser la chance d’être ce qu’elle rêverait d’être ou aurait besoin d’être, à travers-vous, par vous, grâce à vous. ?
— Alors ce serait donc moi l’objet dans cet histoire ?
— Etre un homme objet, parfois ça a du bon. Avant de décider de lui claquer portes et fenêtres au nez, ou faire la sourde oreille, soyez bon prince. Vous saurez vous protéger après, si nécessaire.