Mon Âme Rêveuse Appareille pour un Ciel Lointain – Frémissement d’un Seuil
- Fabrice LAUDRIN

- 21 févr.
- 2 min de lecture
Mon âme rêveuse appareille pour un ciel lointain - ErB, 2018, acrylique, collection particulière.

Elle est là. Posée sur le sol, le corps long, souple, presque alangui, mais sans complaisance. Ni abandonnée, ni tendue. Juste en suspens, comme une vague qui hésite entre se briser ou s’étirer encore un peu avant d’atteindre la rive. Son visage, épuré, n’a besoin de rien pour dire ce qu’il a à dire, pour évoquer son désir. Pas de crinière pour encadrer ses traits, pas d’artifices pour alléger son évidence. Une bouche pleine, un regard immense. Un œil démesuré, où l’ornement n’est pas décoratif mais nécessaire à l'image de la féminité. Un œil trop voyant pour être passif, trop gravé pour être naïf. Il capte quelque chose. Il sent l’appel avant même que le corps ne l’ait suivi.
Ses bras s’étendent, fluides, souples, démesurés. Ses mains ne tiennent rien, elles ondulent, ouvertes à l’air, prêtes à frémir sous un souffle qui viendrait d’ailleurs. Pas un geste figé. Une amorce. L’instant exact où le mouvement naît, mais ne s’est pas encore décidé. Ce n’est pas encore une traversée, c’est l’accordement du corps à l’idée même du départ.
C’est dans ce frémissement que le tableau bascule. Dans ce point où le corps se détend juste assez pour ne plus être qu’un contour, où la matière commence à se diluer dans une autre logique. Les mots surgissent.
Ils ne sont pas posés sur la toile, ils s’en arrachent. Ils flottent, épousent la ligne du bras, glissent entre les doigts, se mêlent aux mouvements de l’air comme si l’âme elle-même avait commencé à se détacher en une calligraphie flottante. Mon âme rêveuse appareille pour un ciel lointain. La phrase ne raconte pas, elle est un déplacement en train de s’écrire.
Elle n’est plus tout à fait ici, pas encore ailleurs. Ce n’est pas un départ, c’est l’ajustement du corps à son propre passage.
ErB ne montre pas une femme en train de se dissoudre. Il capte l’instant où une silhouette cesse d’être une figure stable pour entrer en fréquence avec son propre seuil.
Le seuil. Ce n’est ni un mur ni une frontière. C’est cet état de suspension où l’identité n’est plus un point fixe mais une onde, une oscillation. Elle ne part pas encore, mais elle vibre déjà avec ce qui l’attend de l’autre côté.
Un archétype est une figure stable. Un méta-archétype, lui, est une figure en mouvement. C’est là qu’elle se tient. Elle n’est pas une femme arrêtée dans une posture éternelle, elle est un frémissement, une tension vers ce qui va advenir. Son œil, son geste, ses doigts, sa phrase, tout indique un passage qui n’a pas encore eu lieu, mais qui est devenu inévitable.
Dans cet instant, elle ne manque de rien, elle ne cherche rien à combler, elle ne s’arrache pas au monde comme une fuite. Elle se dilate, s’expanse, s’accorde. Elle entre en résonance avec son propre dépassement.
C’est ainsi que l’archétype se défait de sa rigidité pour amorcer son passage vers autre chose. Ce n’est pas une cassure, c’est une modulation. L’instant exact où l’identité cesse d’être un point et commence à devenir une onde.
Elle n’a pas encore traversé, mais elle s’accorde déjà à la vibration du seuil.



